Marc
Messages : 1260 Date d'inscription : 05/10/2008 Localisation : Athènes
| Sujet: Débats de la Conférence AFT#4 "Société+" (20/10/12) Sam 17 Nov - 12:54 | |
| Bonjour à tous,
A la fin de notre conférence du 20 octobre 2012, il a été proposé de poursuivre les débats en ligne. Plusieurs supports seraient possibles, mais il me semble que c'est le forum qui s'y prête le mieux.
Si cette proposition rencontre suffisamment de succès, nous pourrons lui donner davantage de place, en créant par exemple une partie spécifiquement dédiée aux débats liés aux conférences.
Dans l'immédiat, les débats peuvent reprendre sur la base de ce que chacune des personnes présentes voudra bien retransmettre ici de ses impressions et de ses avis et surtout, sur la base des vidéos qui sont maintenant intégralement accessibles sur la chaîne YouTube de l'AFT Technoprog! :
- Présentation de la conférence - Introduction (Marc Roux, AFT:Technoprog!)
- Daniel-Philippe de Sudres, Les enfants de demain
- Miroslav Radman, Au-delà de nos limites biologiques (présenté par D. Coeurnelle & M. Roux, M. Radman ayant été retenu en Croatie pour raisons famililales)
- Jean-Michel Besnier, Le syndrome de la touche étoile - Jean-Michel Besnier : 2ème partie, échanges avec le public
- Rémi Sussan (& Hubert Guillaud), La technologie sauvera-t-elle le monde ? - Rémi Sussan : 2ème partie, échanges avec le public
- Synthèse & Conclusion (Didier Coeurnelle & Marc Roux, AFT:Technoprog!)
Au plaisir de poursuivre nos échanges | |
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Marc
Messages : 1260 Date d'inscription : 05/10/2008 Localisation : Athènes
| Sujet: Re: Débats de la Conférence AFT#4 "Société+" (20/10/12) Sam 24 Nov - 15:06 | |
| Texte introductif de la conférenceBonjour à tous et d’abord merci d’être venu nous rejoindre pour cette 4éme édition de la conférence générale de l’Association Française Transhumaniste : Technoprog! Ouvrez le spoiler pour lire la suite … - Spoiler:
Cette fois, nous avons choisi un angle d’attaque double. D’une part nous avons cherché à voir qu’elles étaient les parutions les plus récentes qui, en langue française, intéressaient la réflexion transhumaniste ou s’y intéressaient. Nous avons ainsi identifié une dizaine d’ouvrages parus dans les douze à quinze derniers mois.
Nous aurions pu vous présenter divers ouvrages qui pouvaient s’inscrire dans notre problématique tels que : - La mort de la mort, de Laurent Alexandre (2011) - Google Démocratie, du même Laurent Alexandre avec David Angevin (2011) - Humain - Une enquête philosophique […], de Monique Atlan & Roger Pol-Droit (2011) - Bienvenue en transhumanie, de Genviève Férone et Jean-Didier Vincent (oct. 2011) - Le cerveau sur mesure, de Jean Didier Vincent & Pierre-Marie Lledo (2012) ou encore le tout récent- Body Hacking, de Cyril Fievet (2012) et il est probable que dans l’abondante rentrée littéraire, nous soyons aussi passés à côté de pas mal de chose.
Mais nous serons particulièrement heureux d’accueillir aujourd’hui M le Pr. Miroslav Radman [NB : le Pr. Miroslav Radman a finalement été retenu en Croatie pour raisons familiales graves], de l’université René Descartes, directeur d’équipe à l’INSERM et membre de l’Académie des Sciences, qui présentera les résultats de son travail à travers son livre: Au-delà de nos limites biologiques : Les secrets de la longévité (2011), M. Daniel-Philippe de Sudres, chercheur en neurosciences, pour son roman : Les enfants de demain, ou l'étrange et très secret projet Hp-1 (2012), Jean-Michel Besnier, professeur de philosophie de l’université Paris IV- Sorbonne, pour l’introduction de son ouvrage à peine paru : L'homme simplifié : le syndrome de la touche étoile (2012), et M. Rémi Sussan, journaliste spécialisé dans les nouvelles technologies, pour l’essai en collaboration avec Hubert Guillaud intitulé : Est-ce que la technologie sauvera le monde ? (2011). Angle d’attaque double, disais-je, parce que d’autre part, il nous a semblé possible de constater que la quasi totalité des auteurs de ces ouvrages, même lorsqu’ils s’intéressaient d’abord à un domaine technique bien délimité, comme la biologie cellulaire ou l’étude du cerveau, ne pouvaient s’empêcher de réfléchir – et cela me paraît salutaire – aux conséquences sociales potentielles de leurs découvertes. Est-ce donc qu’il ne s’agirait pas seulement dans ces projets d’augmenter ou d’améliorer l’individu humain mais la société tout entière ? Nous transhumanistes, devrions-nous donc envisager, pour nos logos ou le nom de nos organisations, de substituer au « h+ » de humanity plus un « S+ » pour « Société+ ? » A moins, évidemment, que l’espoir que nous mettons dans les technologies de la convergence NBIC ne soit rapidement déçu. C’est l’avertissement que semble adresser des auteurs comme Hubert Guillaud ou Jean-Michel Besnier que nous entendrons cet après-midi. Un transhumanisme techno-progressiste comme celui auquel nous prétendons se doit de rechercher des pistes qui permettraient de ne pas aller vers une « Société – ». Car chaque fois que notre monde aboutit à moins d’humanité, moins de lien social du fait de la technologie, cela nous parait en totale contradiction avec nos aspirations. A nous d’imaginer les voies qui pourraient nous mener vers une véritable « Société+ ».
Mais que pourrait être une « Société+ » du point de vue d’un transhumanisme techno-progressiste ? Je ne veux que poser quelques jalons pour mettre en perspective les riches contributions qui vont nous être proposées aujourd’hui.
1) Premier jalon, la question de l’accessibilité aux technologies de l’augmentation et de l’amélioration humaine. Nous pouvons ne pas être tous d’accord sur la politique qui serait la plus à même de garantir au mieux cette égalité d’accès. Comme d’autres, nous nous répartissons sur le champ politique, les uns misant davantage sur les avantages du libre marché quand les autres font plutôt confiance à l’intervention de la collectivité pour assurer la répartition. Mais ce qui demeure essentiel et qui nous rassemble en tant que techno-progressistes, c’est que nous ne supportons pas la perspective d’une société transhumaniste où une fracture sociale dans l’accès à la technologie serait considérée comme allant de soi. Cet engagement politique et notre militantisme transhumaniste vont de pair.
2) Deuxième jalon, étroitement lié au premier, la question de l’accessibilité à la connaissance. Dans une société où les sciences et les technologies sont amenées à prendre une place sans cesse plus importante, il ne peut y avoir ni liberté individuelle, ni plein épanouissement de soi et de sa créativité sans une connaissance et une maîtrise suffisante de cet environnement scientifique et technologique. La perspective continue d’une vie plus longue, voire bien plus longue en bonne santé doit se traduire non pas par le seul allongement démesuré du temps de travail ou de la recherche de travail, mais par une alternance entre des périodes d’activité et des périodes éventuellement longues d’éducation ou de formation. Ces temps de retour à la connaissance ne devraient-ils pas être garantis par la société et par l’État de la même façon que la scolarité ?
3) Troisième jalon, la question de la liberté d’accès aux savoirs et aux techniques. Nous pouvons comprendre que dans une économie moderne de marché, l’assurance de pouvoir profiter du monopôle d’un savoir ou d’une technique peut constituer un puissant moteur d’innovation et de créativité, mais ce facteur de motivation ne doit pas exister au point d’entraver la liberté ou la créativité des autres. Par ailleurs, pour ce qui touche à l’essentiel de l’humain, à sa liberté de pensée ou à son identité individuelle, il ne saurait être question de monopôle du savoir. Pour le dire autrement, si toute brevetabilité ne peut être que très limitée, la brevetabilité de tout ce qui touche au vivant, et notamment du vivant humain nous paraît devoir être très circonscrite, voire interdite. Et soyons bien conscients que cela ne concerne pas seulement le domaine de la biologie. A partir du moment où les micro ou les nanotechnologies, ou les techniques de l’information, ou la robotique commencent à s’immiscer dans le corps humain, les acteurs qui les promeuvent, publics ou privés, doivent reculer, restreindre leurs exigences pour laisser la priorité et même garantir la liberté d’accès aux codes sources et aux savoirs techniques.
4) Quatrième jalon, la question du respect de la liberté individuelle. Il me semble que la réflexion transhumaniste porte à un degré inédit la question du respect de la liberté individuelle, car à partir du moment où nous imaginons être capable d’intervenir progressivement dans tous les compartiments de ce qui fait l’humain, nous pouvons et devons nous demander si nous n’allons pas déterminer l’individu, le rendre entièrement contrôlable. Nombre de philosophes nous alertent, voire hurlent leur horreur face à une telle perspective. Je pense que nous n’avons pas d’autre alternative que de lutter au maximum de nos moyens individuels et collectifs pour défendre la liberté de nos existences. Car même si demain un individu conscient de genre humain est issu d’un processus de création entièrement maîtrisé, cela n’empêchera pas que, à partir de l’instant arbitrairement décidé de sa « venue au monde », il sera une personne digne de droits et libre de son propre destin. Il devra alors à son tour bénéficier du droit à disposer de son corps, du respect de sa vie privée, de la garanti de son libre-arbitre et de la liberté de définir à sa guise sa propre identité. C’est à cette seule condition que nous pourrons parler d’une société éventuellement améliorée.
5) Cinquième jalon, la question des équilibres environnementaux. Il va de soi que la progression technologique et même la progression sociale n’ont pas de sens si elles se font au prix d’une dégradation telle de notre environnement vital que notre existence même s’en trouve menacée. La prise de conscience écologiste et sanitaire a été tardive et elle n’a sans doute pas encore atteint tous les milieux industriels et peut-être même pas tous les laboratoires. Il nous faut encore chercher le meilleur équilibre entre, d’une part, les progrès de la recherche et de la technologie et, d’autre part, les garanties d’un principe de précaution non pas sclérosant, comme tend à l’être celui qui a été constitutionalisé en France, mais raisonnablement appliqué. A ce jour par exemple, la part des budgets de recherche allouée à l’étude des risques restent dramatiquement faible. Elle n’est ni suffisante pour permettre une réelle prévention, ni crédible auprès d’un public pour partie effrayé par les médias à sensation, pour partie rendu à juste titre exigeant par les catastrophe sanitaires passées. Pour rendre acceptable la prise de risque, inévitable dans une société dynamique, il faut convaincre que tout est mis en œuvre pour prévenir et circonscrire ces risques.
6) Sixième jalon, la question de l’augmentation morale. Plus audacieux, j’avance à titre plus personnel ce repère qui repose sur une idée qui ne possède pas véritablement d’application concrète à ce jour. Il s’agit à mon avis de considérer que nos relations sociales contemporaines continuent d’être largement déterminées par des dispositions mentales génétiquement adaptées aux contions d’existence qui étaient celles du paléolithique. Tout autant que cro-magnon, nous sommes peureux, agressifs et la peur de la mort, notre angoisse existentielle, se traduit facilement par le besoin de dominance. Seulement, en à peine dix mille ans, la sédentarisation et la technique ont bouleversé la vie sociale. Ce qui était vertu – l’aptitude à tuer par exemple – est maintenant considéré comme un facteur de risque et le meurtre est un crime. Paradoxalement, nous ne sommes plus du tout adaptés aux conditions sociales d’existence que nous avons nous mêmes développées. Et nous voilà contraint depuis des siècles de lutter contre notre « nature » par toute sorte d’artifices : tabous, mythes, éducation, lois … ce qui en revanche a donné une grande partie, si ce n’est la totalité de notre culture. Las, que dites-vous du bilan au sortir du XXème siècle ? A côté de toutes nos réalisations matérielles et intellectuelles il me paraît que nous n’avons toujours pas réussi à nous débarrasser des inégalités et des exploitations les plus insupportables, de la haine intercommunautaire, de la guerre, notre humanité ne semble jamais très loin de pouvoir replonger dans la barbarie. Or, il se pourrait que nous devenions en mesure de rajouter une autre approche à l’éducation et aux lois. Le jour où nous aurons suffisamment bien compris les mécanismes qui provoquent et régulent nos émotions, nous pourrions, qui sait, parvenir à intervenir de façon subtile de manière à pacifier nos mœurs tout en préservant notre inventivité et notre liberté de pensée. Il s’agirait bien de se rapprocher des idéaux de l’Humanisme grâce à l’apport de la technique, une société améliorée signifiant plus d’empathie, plus de solidarité donc plus d’humanité.
7) Dernière pierre que je me permets de poser à l’entrée de cette journée, la question de la résilience ou de la robustesse de l’Humanité en tant que collectivité. D’une autre façon, cette question peut se formuler en demandant : « À quoi bon tout cela ? ». Je pense que pour ce qui concerne l’essentiel, la pensée transhumaniste tout entière est tendue vers la réponse à cette question. Que peut-on faire pour que l’humanité assure au mieux sa pérennité ? Pour que l’aventure de la conscience, du savoir, de la culture se poursuive avec les meilleures chances possibles et pour une durée indéterminée ? C’est peut-être que nous, êtres vivants dotés probablement par hasard de ce niveau de conscience auquel nous sommes aujourd’hui parvenus, avons commencé à comprendre que rien ne nous est au fond plus précieux que l’espoir qu’une conscience humaine, ou au moins d’origine humaine, existe indéfiniment. Si cet espoir devait mourir, si nous devions acquérir la certitude que demain ou après-demain l’humanité devait entièrement disparaître, que resterait-il de sens à nos existences ? Or cet espoir, nous ne pouvons le nourrir que collectivement et c’est la raison pour laquelle nous avons besoin d’améliorer et d’augmenter l’humain afin d’améliorer notre société. C’est en tout cas l’axe de la réflexion que nous vous proposons aujourd’hui.
Pour contribuer à cette réflexion, nous procèderons aujourd’hui de la manière suivante. Durant chacune des deux demi journées, deux auteurs nous présenterons leur dernier ouvrage. Après chacune de leur intervention, nous donnerons prioritairement la parole aux quelques journalistes scientifiques qui ont accepté notre invitation ainsi qu’aux membres de Technoprog! qui ont préparé cette rencontre. Nous élargirons ensuite le débat à l’ensemble de la salle.
Mais je donne tout de suite la parole au premier de nos invités …
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